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3. Comment vaincre les déterminismes ?

Sommaire

3.1. René Descartes : libre arbitre, volonté et entendement

NOTION COMPLÉMENTAIRE : VÉRITÉ

Libre arbitre (définition)

Pouvoir de décider :

  • avoir le choix (plusieurs possibilités qui se présentent à nous avant d’agir) ;
  • … et agir volontairement, être la cause première de ses actes (être soi-même l’auteur de ses actions).

A l’inverse, si une cause qui échappe à notre volonté est à l’origine de notre action, nous n’avons pas agi librement. Nous dirons alors que nous avons été déterminé ou contraint à agir.

René Descartes, Lettre à Chanut (6 juin 1647)
Lorsque j’étais enfant, j’aimais une fille de mon âge, qui était un peu louche (1) ; au moyen de quoi, l’impression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui s’y faisait aussi pour émouvoir la passion de l’amour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer qu’à en aimer d’autres, pour cela seul qu’elles avaient ce défaut ; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela.
Au contraire, depuis que j’y ai fait réflexion, et que j’ai reconnu que c’était un défaut, je n’en ai plus été ému. Ainsi, lorsque nous sommes portés à aimer quelqu’un, sans que nous en sachions la cause, nous pouvons croire que cela vient de ce qu’il y a quelque chose en lui de semblable à ce qui a été dans un autre objet que nous avons aimé auparavant, encore que nous ne sachions pas ce que c’est. Et bien que ce soit plus ordinairement une perfection qu’un défaut, qui nous attire ainsi à l’amour, toutefois, à cause que ce peut être quelquefois un défaut, comme en l’exemple que j’en ai apporté, un homme sage ne se doit pas laisser entièrement aller à cette passion, avant que d’avoir considéré le mérite de la personne pour laquelle nous nous sentons émus.
(1) = dont les yeux louchent
1. Pourquoi Descartes tombait-il toujours amoureux de femmes qui louchent ?
2. En quoi cesser d’en tomber amoureux est une preuve de liberté ?
René Descartes, Méditations métaphysiques (1641)
Il n’y a que la seule volonté, que j’expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image et la ressemblance de Dieu. (…) Car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas (c’est à dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement en ce que, pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous y contraigne. Car, afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires ; mais plutôt, d’autant plus que je penche vers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur de ma pensée, d’autant plus librement j’en fais choix et je l’embrasse. Et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmentent plutôt, et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu’une perfection dans la volonté car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent.
1. Expliquez pourquoi être indifférent, ce n’est pas être libre.
2. Qu’est-ce qu’être vraiment libre, selon Descartes ?
Définitions cartésiennes :
- Volonté = pouvoir de choisir entre une possibilité et son contraire ; Est infinie en Dieu et en l’Homme
- Entendement = faculté de concevoir (comprendre, connaître) ; Est infini en Dieu mais limité en l’Homme
- Liberté d’indifférence = choisir sans raison entre deux possibilités équivalentes

3.2. La liberté morale

NOTION COMPLÉMENTAIRE : DEVOIR
KANTCritique de la raison pratique (1788)
Supposons que quelqu’un affirme, en parlant de son penchant au plaisir, qu’il lui est tout à fait impossible d’y résister quand se présente l’objet aimé et l’occasion : si, devant la maison où il rencontre cette occasion, une potence était dressée pour l’y attacher aussitôt qu’il aurait satisfait sa passion, ne triompherait-il pas alors de son penchant ? On ne doit pas chercher longtemps ce qu’il répondrait. Mais demandez-lui si, dans le cas où son prince lui ordonnerait, en le menaçant d’une mort immédiate, de porter un faux témoignage contre un honnête homme qu’il voudrait perdre sous un prétexte plausible, il tiendrait comme possible de vaincre son amour pour la vie, si grand qu’il puisse être. Il n’osera peut-être assurer qu’il le ferait ou qu’il ne le ferait pas, mais il accordera sans hésiter que cela lui est possible. Il juge donc qu’il peut faire une chose, parce qu’il a conscience qu’il doit la faire et il reconnaît ainsi en lui la liberté qui, sans la loi morale, lui serait restée inconnue.
1. Pourquoi pense-t-on qu’on ne peut pas résister à notre penchant au plaisir ?
2. Expliquez à l’aide de ses 2 exemples comment Kant réfute l’idée que nos désirs déterminent nos actions.
3. Expliquez la dernière phrase et l’idée que sans loi morale nous ne sommes pas libres.

Repères conceptuels : obligation / contrainte

  • Une obligation est ce que je dois faire volontairement, par devoir moral ou juridique. Par exemple : ne pas mentir, payer des impôts.
  • Une contrainte est ce que je dois faire sous la pression d’une force extérieure qui m’empêche d’agir librement. Par exemple : je suis contraint de respirer pour vivre, ou de me soumettre à la menace d’une arme.

3.3. L’homme est liberté

NOTION COMPLÉMENTAIRES : NATURE, RELIGION
Jean‑Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1946)
Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis ». C’est là le point de départ de l’existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n’existe pas, et par conséquent l’homme est délaissé, parce qu’il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s’accrocher. Il ne trouve d’abord pas d’excuses. Si, en effet, l’existence précède l’essence, on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit, il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. Si, d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine numineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre.
Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui‑même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait. L’existentialiste ne croit pas à la puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu’une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit fatalement l’homme à certains actes, et qui, par conséquent, est une excuse. Il pense que l’homme est responsable de sa passion. L’existentialiste ne pensera pas non plus que l’homme peut trouver un secours dans un signe donné, sur terre, qui l’orientera ; car il pense que l’homme déchiffre lui‑même le signe comme il lui plaît. Il pense donc que l’homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque instant à inventer l’homme.
1. Que signifie la phrase « L’existence précède l’essence » ? En quoi contredit-elle un dogme religieux ?
2. Expliquez pourquoi, selon Sartre, « il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. »