1. Désobéir est toujours injuste
NOTIONS COMPLÉMENTAIRES : DEVOIR, ÉTAT, LIBERTÉ
Dans le dialogue “Criton”, Platon met en scène Socrate qui attend en prison sa sentence de mort. Il a été condamné par un tribunal d’Athènes à boire la ciguë, accusé injustement d’impiété et de corruption de la jeunesse. Son ami Criton lui rend visite et lui propose de l’aider à s’évader pour éviter la mort. Socrate se lance alors dans une discussion pour décider s’il est juste de désobéir à un ordre injuste.
Texte n°1 : « Il ne faut pas rendre le mal pour le mal » |
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SOCRATE - Est-il vrai qu’il ne faut jamais commettre d’injustice ? ou est-il permis d’en faire en certaines occasions, et non dans d’autres ? ou bien est-il absolument vrai que l’injustice n’est jamais permise, (…) que toute injustice est honteuse et funeste à celui qui la commet, quelque chose que les hommes en disent, et quelque bien ou quelque mal qu’il en puisse arriver ? Est-ce bien convenu ? CRITON - Cela est convenu. (…) SOCRATE - Il ne faut donc commettre d’injustice en aucune manière ? CRITON - Non, sans doute. SOCRATE - Alors, il ne faut pas même faire d’injustice à ceux qui nous en font, quoique ce peuple croie que cela est permis, puisque tu conviens qu’il n’en faut faire en aucune manière ? CRITON - Il me le semble. (…) SOCRATE - Il ne faut donc jamais faire d’injustice, ni rendre le mal pour le mal, quelque chose qu’on nous ait fait. |
1. Quel est le problème posé par Socrate au début de ce texte ? 2. Comment y répond-il ? Expliquez sa thèse et sa justification. |
Texte n°2 : La prosopopée des Lois |
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SOCRATE - Lorsque nous serons au moment de nous enfuir, (…) que diront donc les lois ? « Socrate, ne sommes nous pas convenus ensemble que tu te soumettrais au jugement de la République ? » Et si nous paraissions surpris de ce langage, elles nous diraient peut-être : « (…) Dis-nous donc quel sujet de plainte tu as contre la République et contre nous, que tu fasses ainsi tous tes efforts pour nous détruire ? et d’abord, n’est-ce pas à nous que tu dois la vie ? N’est-ce pas grâce à nous que ton père a épousé celle qui t’a mis au monde ? Que trouves-tu donc à reprendre dans ces lois que nous avons établies sur le mariage ? » « Rien, sans doute, leur répondrais-je ; » « Et celles qui regardent la nourriture et l’éducation des enfants, d’après lesquelles tu as été élevé, ne te paraissent- elles pas avoir justement ordonné à ton père de t’élever dans tous les exercices de l’esprit et du corps ? » « Fort justement, dirais-je. » « Cela étant, puisque tu es né, puisque tu as été nourri et élevé, grâce à nous, oserais-tu soutenir que tu n’es pas notre enfant et notre serviteur de même que tes parents. Et s’il en est ainsi, penses-tu avoir les mêmes droits que nous, de sorte qu’il te soit permis de nous rendre tout ce que nous tâcherions de te faire souffrir ? Ce droit, que tu ne pourrais avoir contre un père ou contre un maître, de lui rendre le mal pour le mal, injure pour injure, coup pour coup, penses-tu l’avoir contre ta patrie et contre les lois ? Et si nous tâchions de te perdre, croyant que cela est juste, tu voudrais nous prévenir et perdre les lois et ta patrie ! Appellerais-tu cela justice, toi qui fais profession de t’être attaché à la vertu ? Ta sagesse te laisse-t-elle ignorer que la patrie est digne de plus de respect et de plus de vénération devant les dieux et devant les hommes ! qu’un père, qu’une mère, et que tous les parents ensemble ? qu’il faut honorer sa patrie, lui céder et la ménager plus qu’un père lorsqu’elle est irritée ? qu’il faut ou la ramener par la persuasion, ou obéir à ses commandements, et souffrir sans murmurer tout ce qu’elle ordonnera même ? Si elle veut que tu sois battu de verges ou chargé de chaînes, si elle veut que tu ailles à la guerre pour y verser tout ton sang, il faut partir sans balancer, car c’est là le devoir ; et l’on ne doit ni désobéir, ni reculer, ni quitter son poste ; mais à l’armée, devant les juges, et partout, il faut obéir aux ordres de la patrie, ou user avec elle de persuasion, comme il est permis ; car si c’est une impiété de faire violence à son père ou à sa mère, c’en est une beaucoup plus grande de forcer sa patrie. » Que répondrons-nous à cela, Criton ? |
1. Quels sont le arguments de Socrate pour défendre l’idée qu’il ne faut jamais désobéir à l’Etat même si ses ordres sont injustes ? 2. Quelle alternative propose-t-il à l’obéissance ? |