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2.1. Cas n°1 : Peut-on mentir ?

Sommaire

NOTION COMPLÉMENTAIRE : VÉRITÉ

La critique de Constant à Kant

Benjamin constant, philosophe français, s’attaque au déontologisme de Kant en imaginant la situation suivante : si un ami à vous, poursuivi par un assassin, se cache chez vous, et que l’assassin frappe à votre porte et vous demande s’il est là : allez-vous mentir à l’assassin, ou dénoncer votre ami par devoir de véracité, par interdit moral du mensonge ?

Benjamin Constant, Des réactions politiques (1796)
Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu’a tirées de ce dernier principe un philosophe allemand qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime […]. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droit, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui.
Quels sont les arguments de Constant pour réfuter le devoir inconditionnel de ne jamais mentir ? À laquelle des deux grandes éthiques rattachez-vous cette réflexion ?

La réponse de Kant

Kant répond à Benjamin Constant dans un ouvrage, “Du prétendu droit de mentir”, dans lequel il défend sa position : il faut toujours dire la vérité, même à un assassin.

Emmanuel Kant, D’un prétendu droit de mentir par humanité (1797)
Avez-vous arrêté par un mensonge quelqu’un qui méditait alors un meurtre, vous êtes juridiquement responsable de toutes les conséquences qui pourront en résulter ; mais êtes-vous resté dans la stricte vérité, la justice publique ne saurait s’en prendre à vous, quelles que puissent être les conséquences imprévues qui en résultent. Il est possible qu’après que vous avez loyalement répondu oui au meurtrier qui vous demandait si son ennemi était dans la maison, celui-ci en sorte inaperçu et échappe ainsi aux mains de l’assassin, de telle sorte que le crime n’ait pas lieu ; mais, si vous avez menti en disant qu’il n’était pas à la maison et qu’étant réellement sorti (à votre insu) il soit rencontré par le meurtrier, qui commette son crime sur lui, alors vous pouvez être justement accusé d’avoir causé sa mort. En effet, si vous aviez dit la vérité, comme vous la saviez, peut-être le meurtrier, en cherchant son ennemi dans la maison, eût-il été saisi par des voisins accourus à temps, et le crime n’aurait-il pas eu lieu. Celui donc qui ment, quelque généreuse que puisse être son intention, doit, même devant le tribunal civil, encourir la responsabilité de son mensonge et porter la peine des conséquences, si imprévues qu’elles puissent être. C’est que la véracité est un devoir qui doit être regardé comme la base de tous les devoirs fondés sur un contrat, et que, si l’on admet la moindre exception dans la loi de ces devoirs, on la rend chancelante et inutile.
1. Quels sont les arguments de Kant pour défendre son devoir de dire la vérité, même si à un assassin ?
2. À quel principe du déontologisme ces arguments correspondent-ils ?