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1.3. Les trois fonctions principales des religions

Sommaire

La fonction psychologique des religions

William James

NOTION COMPLÉMENTAIRE : LE BONHEUR

GUIDE DE LECTURE

William James tente de comprendre d’où vient la foi religieuse, et à quelle expérience psychologique elle correspond. Il part du problème suivant : certaines personnes perçoivent Dieu, entité spirituelle, comme une réalité sensible. Il donne dans ce texte une explication psychologique à ce paradoxe.

William James, L’Expérience religieuse (1905)
Nous pouvons admettre comme un fait indubitable que bien des personnes possèdent, de certains objets immatériels, non seulement une conception qu’ils tiennent pour vraie, mais une perception directe qui en fait comme des réalités sensibles. Il est temps de considérer la portée de ce fait dans le domaine de l’expérience religieuse. La foi en un objet divin est en proportion du sentiment qu’éprouve le croyant de la réalité présente de cet objet ; à mesure que ce sentiment devient plus intense ou plus vague, la foi devient plus vive ou plus faible.
(…)
Telle est ce qu’on pourrait appeler l’imagination ontologique ; telle est sa puissance de persuasion. On se représente des êtres qui semblent échapper à toute représentation, avec une intensité presque hallucinatoire. Ces vives impressions déterminent les actions et les sentiments, de même que la conduite d’un amoureux est gouvernée par l’image de l’absente.
(…)
Quant au sentiment, qui joue le premier rôle, comment le caractériser ? C’est sans contredit une excitation joyeuse, une expansion « dynamogénique » qui tonifie et ranime la puissance vitale. Nous avons vu à plusieurs reprises, notamment en étudiant la Conversion et la Sainteté, que l’émotion religieuse triomphe d’un tempérament mélancolique, donne à l’âme la persévérance et communique aux objets les plus ordinaires une valeur, un charme, un éclat tout nouveaux. C’est un état biologique aussi bien que psychologique ; Tolstoï exprime une vérité rigoureuse quand il appelle la foi ce qui fait vivre les hommes. (…) Nous en avons vu des exemples dans les soudains ravissements où l’on sent la présence de Dieu, ou dans les crises de mysticisme.
Question : Qu’est-ce qu’apporte la foi aux croyants, selon W. James ?

Illustration : L’apparition (Xavier Giannoli, 2018)
Jacques, grand reporter pour un quotidien français reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France une jeune fille de 18 ans a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu des apparitions présumées. Jacques qui n’a rien à voir avec ce monde-là accepte de faire partie d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces événements.

Sigmund Freud

NOTION COMPLÉMENTAIRE : LA VÉRITÉ

GUIDE DE LECTURE

Freud, inventeur de la psychanalyse et penseur athée, part du principe que la croyance religieuse est une illusion. Il en donne dans ce texte une cause psychologique.

Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion (1927)
Ces idées religieuses, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé – protégé en étant aimé – besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l’homme s’est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L’angoisse humaine en face des dangers de la vie s’apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine (…). Et c’est un formidable allégement pour l’âme individuelle que de voir les conflits de l’enfance émanés du complexe paternel – conflits jamais entièrement résolus –, lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous. (…) Nous le répéterons : les doctrines religieuses sont toutes des illusions, on ne peut les prouver, et personne ne peut être contraint à les tenir pour vraies, à y croire.
Question : de quel besoin psychologique nait la religion, selon S. Freud ?

La fonction morale des religions

Critias

GUIDE DE LECTURE

Dans ce texte, Critias décrit le passage de nos ancêtres de l’état de nature à l’état civil, c’est à dire d’une vie sans liens sociaux (dominée par les rapports de force naturels) à une existence sociale (régie par les lois civiles).

CRITIAS (- 460 – 403 av. J.-C.), SISYPHE
Il fut un temps où la vie des hommes était sans règle, comme celle des bêtes et au service de la force, où les hommes honnêtes n’avaient nulle récompense, ni les méchants, non plus, de punition. Je pense que c’est plus tard que les hommes établirent des lois punitives pour que la justice fût reine sur le genre humain et qu’elle maintînt les débordements en esclavage : on était châtié chaque fois qu’on commettait une faute. Plus tard, encore, comme les lois empêchaient les hommes de mettre de la violence dans les actes commis ouvertement, mais qu’ils en commettaient en cachette, c’est alors, je pense, que, pour la première fois, un homme avisé et de sage intention inventa pour les mortels la crainte de dieux, en sorte qu’il y eût quelque chose à redouter pour les méchants, même s’ils cachent leurs actes, leurs paroles ou leurs pensées. Voilà donc pourquoi il introduisit l’idée de divinité, au sens qu’il existe un être supérieur qui jouit d’une vie éternelle, qui entend et voit en esprit, qui comprend et surveille ces choses, qui est doté d’une nature divine : ainsi, il entendra tout ce qui se dit chez les mortels et sera capable de voir tout ce qui se fait. Si tu médites en secret quelque forfait, celui-ci n’échappera pas aux dieux, car il y a en eux la capacité de le comprendre.
1. Expliquez comment et pourquoi la vie en société nécessite l’invention des dieux.
2. Quel effet cette invention a-t-elle sur la conscience, sur la vie intime des Hommes ? (dernière phrase du texte)

Complément : Fiodor Dostoïevsky et Paul Ricœur

  1. Expliquez pourquoi la citation de Dostoïevsky confirme la thèse de Critias
  2. En quoi Paul Ricœur est-il opposé à cette conception de la religion ?

« Maintenant supposons qu’il n’y a pas de Dieu ni immortalité de l’âme. Maintenant dites-moi, pourquoi devrais-je vivre avec droiture et faire de bonnes actions, si je vais mourir entièrement sur terre ? Et si c’est le cas, pourquoi ne devrais-je pas (tant que je peux compter sur mon intelligence et l’agilité pour éviter les être pris par la loi) couper la gorge d’un autre homme, voler, etc. »

Lettre de Fiodor Dostoïevski, écrivain russe du 19è siècle


« Ce qu’on appelle généralement la religion a à faire avec la bonté. C’est un peu oublié, en particulier dans plusieurs traditions du christianisme. Je veux dire qu’il y a une sorte de resserrement, de renfermement sur la culpabilité et le mal. Non pas du tout que je sous-estime ce problème (…). Mais, ce que j’ai besoin de vérifier en quelque sorte, c’est qu’aussi radical que soit le mal, il n’est pas aussi profond que la bonté. Et si la religion, les religions, ont un sens, c’est de libérer le fond de bonté des hommes, d’aller le chercher là où il est complètement enfoui. »

Paul Ricœur, entretien donné en 2000


La fonction métaphysique des religions

Henri Bergson

GUIDE DE LECTURE

Dans ce texte, Bergson (comme Critias) remonte le temps jusqu’aux origines de l’humanité pour comprendre l’apparition de la religion. Sa thèse (résumée dans la dernière phrase) est que la croyance religieuse est apparue pour guérir l’homme de la certitude de la mort. Cette affirmation est justifiée par des arguments et résout un problème (qui est, dans ce texte, un paradoxe).

Définitions :

  • Concept : représentation mentale abstraite et générale. Exemple : l’idée de cercle.
  • Image : représentation perceptible et concrète. Exemple : le cercle dessiné au tableau.
HENRI BERGSON, LES DEUX SOURCES DE LA MORALE ET DE LA RELIGION (1932)
§1 - Mais avec l’homme apparaît la réflexion, et par conséquent la faculté d’observer sans utilité immédiate, de comparer entre elles des observations provisoirement désintéressées, enfin d’induire et de généraliser.
§2 - Constatant que tout ce qui vit autour de lui finit par mourir, il est convaincu qu’il mourra lui-même. La nature, en le dotant d’intelligence, devait bon gré mal gré l’amener à cette conviction.
§3 - Mais cette conviction vient se mettre en travers du mouvement de la nature. Si l’élan de vie détourne tous les autres vivants de la représentation de la mort, la pensée de la mort doit ralentir chez l’homme le mouvement de la vie. Elle pourra plus tard s’encadrer dans une philosophie qui élèvera l’humanité au-dessus d’elle-même et lui donnera plus de force pour agir. Mais elle est d’abord déprimante, et elle le serait encore davantage si l’homme n’ignorait, certain qu’il est de mourir, la date où il mourra. L’événement a beau devoir se produire : comme on constate à chaque instant qu’il ne se produit pas, l’expérience négative continuellement répétée se condense en un doute à peine conscient qui atténue les effets de la certitude réfléchie. Il n’en est pas moins vrai que la certitude de mourir, surgissant avec la réflexion dans un monde d’êtres vivants qui était fait pour ne penser qu’à vivre, contrarie l’intention de la nature. Celle-ci va trébucher sur l’obstacle qu’elle se trouve avoir placé sur son propre chemin.
§4 - Mais elle se redresse aussitôt. À l’idée que la mort est inévitable elle oppose l’image d’une continuation de la vie après la mort ; cette image, lancée par elle dans le champ de l’intelligence où vient de s’installer l’idée, remet les choses en ordre ; la neutralisation de l’idée par l’image manifeste alors l’équilibre même de la nature, se retenant de glisser. Nous nous retrouvons donc devant le jeu tout particulier d’images et d’idées qui nous a paru caractériser la religion à ses origines. Envisagée de ce point de vue, la religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l’intelligence, de l’inévitabilité de la mort.
Expliquez le texte en respectant les étapes suivantes :
1. (§1) Quelle capacité apparaît avec l’homme et en quoi consiste-t-elle ?
2. (§2) Décrire le processus mental qui mène l’homme à prendre conscience de sa mortalité.
3. (§3) Formuler le problème de ce texte : Quelle est la conséquence de cette prise de conscience ? En quoi la conscience humaine de sa propre mortalité est-elle paradoxale ? (Montrer ici comment la nature, en permettant à l’homme de penser, se contredit elle-même)
4. (§4) Comment la nature résout-elle la contradiction précédente ? La fin du texte distingue “idée” et “images”: expliquez cette distinction (aidez-vous des repères conceptuels Concept / Image), puis expliquez comment la nature permet à l’homme de résoudre son problème.

Complément : les arguments en faveur et contre l’existence de Dieu

Voir le 4. de la fiche complémentaire sur la religion afin de comprendre en quoi l’existence de Dieu est une hypothèse métaphysique qui peut être rationnellement discutée par des arguments.

Synthèse illustrative : Film “L’invention du mensonge

« L’invention du mensonge » (Ricky Gervais, 2009)

Voir l’extrait du film ci-dessous.
Question : en quoi met-il en scène les trois fonctions de la religion ?

Synopsis : Dans un monde où l’on ne connaît que la franchise, Mark Bellison, scénariste de documentaires, est amené à inventer le premier mensonge de l’humanité lorsque sa mère lui dit ses dernières paroles avant de mourir.