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1.Pourquoi y a-t-il des États ?

Sommaire
NOTIONS PRINCIPALES : ÉTAT, NATURE
NOTION COMPLÉMENTAIRES : JUSTICE, LANGAGE

Conceptions naturalistes et artificialistes de l’État

La conception artificialiste (ou contractualiste) de l’État, celle de l’époque moderne, s’oppose à la conception naturaliste qui régnait chez les Grecs, notamment chez Aristote.

  • Aristote : l’État est la continuité naturelle de la famille. Aristote concevait la politique comme un fait naturel : puisque nous sommes des animaux sociaux, la Cité est la manière naturelle pour les êtres humains de s’organiser. Elle est une extension de la famille, puis des villages. La Cité ne se distingue pas des citoyens, elle n’est pas au-dessus d’eux. Les Grecs inventent la démocratie : le pouvoir (cratos) appartient au peuple (demos). Cité et peuple ne font qu’un.
  • La conception moderne de l’État (15e-16e s.) : elle est due au développement des Cités (qui hébergent de plus en plus de citoyens), à la spécialisation du pouvoir politique et à leur séparation d’avec le corps des citoyens sous la forme d’un appareil bureaucratique plus ou moins autonome. C’est Machiavel (Le Prince, 1532) qui, le premier, parle d’État (stato en italien : ce qui perdure) alors que se développent des cités-États telles que Gênes ou Venise, villes très puissantes qui se revendiquent comme des entités économiques indépendantes. Devant le déchirement de ces cités, Machiavel va affirmer l’autonomie du politique par rapport au religieux afin d’assurer une stabilité (pérennité) à l’État. Le STATO désigne alors une unité politique permanente qui résisterait aux évolutions historiques parfois tumultueuses.

1.1. Aristote : l’homme est un animal politique

Aristote, Les politiques (IVe s .avant J.-C.)
Il est manifeste (…) que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique (…). Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun, c’est ce qui fait une famille et une cité.
1. Qu’est-ce qui distingue les humains des autres animaux, selon Aristote ? Quel est le rôle de la nature dans cette distinction ?
2. Que veut-il dire lorsqu’il affirme que « l’homme est (…) un animal politique » ?
3. En quoi l’État est-il naturel pour les êtres humains

1.2. Thomas Hobbes et Jean-Jacques Rousseau : de l’état de nature au Contrat social

L’état de nature chez T. Hobbes et J.-J. Rousseau

Définitions

De l’état de nature à l’état de culture

Jean-Jacques Rousseau cherche les caractéristiques fondamentales de l’être humain (la “nature humaine”) dans l’état de nature, avant qu’il ne soit entré en société.

  • La nature humaine désigne ce qui fait l’essence de l’homme : l’ensemble des caractéristiques essentielles de l’être humain, qui sont intemporelles et universelles (elles appartiennent depuis toujours à tous les êtres humains), et qui nous distinguent des autres animaux parce qu’ils ne les possèdent pas.
  • L'état de nature désigne la situation de l’être humain hors de toute société, avant que les hommes se regroupent pour former des communautés. Même si cette situation n’a probablement jamais existé, elle est pour certains philosophes comme J. J. Rousseau une hypothèse permettant de définir l’homme en décrivant ses caractéristiques essentielles et naturelles, qui n’ont pas été acquises par l’éducation.
  • A l’inverse, l’état civil (ou état de culture) est la situation de l’être humain entré en société, qui se construit individuellement et collectivement avec des caractéristiques culturelles acquises par l’éducation au cours de son histoire (règles morales, habitudes sociales, connaissances, techniques, etc.).
  Thomas Hobbes Jean-Jacques Rousseau
La vie à l’état de nature * état de nature = situation des êtres humains quand ils ne sont pas soumis à des règles parce que la société est dissoute (exemple: guerre civile)
* Les hommes sont égaux par nature
* Humains = des êtres solitaires, asociaux, qui se méfient des autres et s’agressent pour se protéger
* Pénurie, compétition pour les ressources : les hommes sont vulnérables et malheureux
* État de guerre de chacun contre tous : « Si vis pacem, para bellum » (« Qui veut la paix, prépare la guerre »)
* état de nature = situation des êtres humains avant d’entrer en société (situation présociale et préhistorique hypothétique [= une fable])
* Les hommes sont égaux par nature
* Humains = des êtres solitaires, asociaux, qui ne se lient que pour procréer
* Nature généreuse, ressources illimitées : les hommes sont heureux
* Vie paisible : les hommes peuvent se battre mais sans violence ni désir de tuer
La nature humaine * « L’homme est un loup pour l’homme. » :
* L’homme est par nature méchant et égoïste, la société le rend meilleur
* Passions naturelles (crainte, rivalité, vanité) + droit naturel de tout faire pour survivre => les individus sont constamment en guerre
* Raison = caractéristique naturelle, l’homme pense et réfléchit naturellement (cette rationalité va pousser les individus à tout faire pour sortir de l’état de nature) *
« La nature a fait l’homme heureux et bon »
* L’homme est innocent et bon, la méchanceté apparait en société
* Passions naturelles : amour se soi (droit naturel de rechercher son propre bien-être) + pitié => les individus ne se font pas de mal
* La raison n’est pas une caractéristique naturelle, mais l’homme se définit essentiellement par sa liberté et sa perfectibilité

Le Contrat Social chez T. Hobbes et J.-J. Rousseau

Définition

Le contractualisme est un courant de pensée de la philosophie politique moderne. Il se représente l’État comme le résultat d’un contrat tacite (non-écrit) d’association entre les citoyens. Les contractants, par cet accord, quittent l’état de nature (situation des êtres humains avant d’entrer en société) et fondent l’état civil (situation des êtres humains lorsqu’ils vivent en société).

Complément vidéo

Exercice : comparer le contrat social chez Hobbes et Rousseau

  1. Lire les textes et les étudier en répondant aux questions
  2. Faire un tableau à deux colonnes : CONTRAT SOCIAL SELON HOBBES / CONTRAT SOCIAL SELON ROUSSEAU, dans lequel vous résumez et distinguez les deux théories
Thomas Hobbes, Léviathan (1651)
La cause finale, le but, le dessein, que poursuivirent les hommes, eux qui par nature aiment la liberté et l’empire exercé sur autrui, lorsqu’ils se sont imposé des restrictions au sein desquelles on les voit vivre dans les Républiques, c’est le souci de pourvoir à leur propre préservation et de vivre plus heureusement par ce moyen : autrement dit, de s’arracher à ce misérable état de guerre qui est, je l’ai montré, la conséquence nécessaire des passions naturelles des hommes, quand il n’existe pas de pouvoir visible pour les tenir en respect. (…) La seule façon d’ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l’attaque des étrangers, et des torts qu’ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à les protéger de telle sorte que par leur industrie et par les productions de la terre, ils puissent se nourrir et vivre satisfaits, c’est de confier tout leur pouvoir et toute leur force a un seul homme, ou à une seule assemblée qui puisse réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité‚ en une seule volonté. Cela revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée‚ pour assumer leur personnalité ; (…) il s’agit d’une unité réelle de tous en une seule et même personne, unité réalisée par une convention de chacun avec chacun passe de telle sorte que c’est comme si chacun disait à chacun : j’autorise cet homme ou cette assemblée, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, a cette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu autorises toutes ses actions de la même manière. Cela fait, ta multitude ainsi unie en une seule personne est appelée une RÉPUBLIQUE, en latin CIVITAS. Telle est la génération de ce grand LÉVIATHAN (1), ou plutôt pour en parler avec plus de révérence, de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection.

(1) Léviathan : monstre marin biblique
1. Quel est le but des hommes lorsqu’ils s’associent sous un pouvoir commun ?
2. Quel est le meilleur moyen d’y parvenir ?
3. Comment Hobbes conçoit-il l’État, ce pouvoir commun ?
Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (1762)
« Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ? » Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. […]
Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l’acte que la moindre modification les rendrait vaines et de nul effet ; (…) Ces clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, savoir l’aliénation (1) totale de chaque associé avec tous se droits à toute la communauté : car premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres.
De plus, l’aliénation se faisant sans réserve, l’union est aussi parfaite qu’elle peut l’être et nul associé n’a plus rien à réclamer : car s’il restait quelques droits aux particuliers, (…) chacun étant en quelque point son propre juge prétendrait bientôt l’être en tout, l’état de nature subsisterait et l’association deviendrait nécessairement tyrannique ou vaine.
Enfin chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n’y a pas un associé sur lequel on acquière le même droit qu’on lui cède sur soi, on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd, et plus de force pour conserver ce qu’on a.
Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants : chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.
À l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté.

(1) Aliénation : perte de liberté, contrainte.
1. Quel est le but du contrat social selon Rousseau ?
2. Quelle est la clause principale de ce contrat social que doivent accepter les citoyens ?
3. Quels sont les deux avantages de cette clause ?
4. Quel est le statut de l’individu dans ce pacte social prôné par Rousseau ?

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